- 21 mars 2024
- Mis à jour le 21 mars 2024
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- Interview
En raison de la baisse significative des recettes provenant des taxes sur les transactions immobilières (Droits de mutation à titre onéreux), et de la hausse des dépenses sociales, l’épargne nette du budget 2024 du Département d’Ille-et-Vilaine connaît une baisse inédite. Ce budget contraint a amené le conseil départemental à des arbitrages, qui n’impactent pas la part du budget consacrée au social, en augmentation. Pour le reste, il s’agit de pondérer les subventions, de reporter des projets, de lisser les dépenses et d’intégrer plus de sobriété dans la vie de la collectivité. Les explications de Frédéric Martin, conseiller départemental délégué aux finances.
En quoi ce budget 2024 s’inscrit dans un contexte particulier ?
Frédéric Martin : « Il s’inscrit dans un contexte particulier, parce que la situation est difficile pour tous les Départements. Maintenant que les Départements n’ont plus de capacités fiscales sur leurs recettes, celles-ci sont soumises directement aux aléas de la conjoncture économique..… Pour l’Ille-et-Vilaine, cela représente une perte de 51 millions d’euros de Droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour cette année, conséquence de la crise immobilière.
Cette dégradation des recettes, associée à une hausse des dépenses d’une soixantaine de millions d’euros, fait qu’on parvient à un résultat d’épargne nette de 1,6 million d’euros pour 2023, l’année dernière celle-ci atteignait 110 millions d’euros. Cette épargne nette représente ce qui reste au Département pour réinvestir sans emprunter, c’est notre capacité d’auto-financement. Pour donner un ordre d’idée, l’an dernier, nous avions les fonds pour investir en propre l’équivalent de la construction de 5 collèges, cette année nous ne pouvons même pas financer en propre un centre d’incendie et de secours. »
De nombreux Départements évoquent un budget 2024 « délicat », « prudent », « Sous le signe de la rigueur »… Dans ce contexte, quels ont été les arbitrages faits par le Département en matière de dépenses de fonctionnement ?
Frédéric Martin : « La construction d’un budget est un travail de longue haleine. Nous travaillons depuis des mois, collectivement, à construire ce budget et à prendre les dispositions pour assurer l'équilibre des finances. Ce n’est pas un budget sous le signe de rigueur, mais de la responsabilité. La rigueur signifierait que nous appliquons des chutes brutales de subvention. De notre côté, nous avons voulu que les efforts soient partagés sur l’ensemble des politiques en mesure de le faire.
Malgré le contexte très contraint, le budget consacré à l’action sociale - enfance-famille, handicap, personnes âgées, insertion - va augmenter pour atteindre 708,4 millions d’euros sur un budget total de plus d’1 milliard d’euros. Cette augmentation correspond à une volonté de réaffirmer notre cœur de compétences. Le Département continuera donc d’assurer l’ensemble de ses compétences et de ses politiques volontaristes, avec des rééquilibrages sur certaines politiques.
L’effort est réel sur la vie de la collectivité (ressources humaines, fonctionnement annexe, déplacements des agents et des élus), et sur la gestion des routes. Collectivement, cela se traduit par des baisses pondérées des subventions attribuées à certains partenaires, mais aussi par le report de certains projets sur les prochaines années du mandat. Ces arbitrages ont permis de présenter un budget ajusté et stabilisé avec 10 millions d’épargne nette, ce qui nous laisse une marge d’ajustement très faible ».
L’an dernier, vous évoquiez un budget volontariste, comment qualifier ce budget 2024 ?
Frédéric Martin : « C’est un budget d’abord responsable, car la situation nous contraint à être encore plus vigilants. Toutefois, c’est un budget engagé sur le cœur de nos priorités, les politiques sociales. Nous conservons une vision optimiste sur la deuxième partie de l’année, où nous espérons que la situation va s’améliorer ou au moins se stabiliser pour avoir une vision un peu plus claire. Deux leviers d’amélioration existent : un rebond de l’immobilier et une compensation de l’Etat avec une meilleure répartition des recettes fiscales. La loi sur les finances locales, la loi sur le grand âge pour lesquelles nous sommes toujours en attente… tous ces sujets nous permettraient de retrouver des marges de manœuvre budgétaires. »
Une situation inédite
« Cette situation est inédite dans sa brutalité et dans son résultat final. En janvier 2023, il nous paraissait inconcevable d’en arriver là. Heureusement, grâce à une gestion rigoureuse et responsable, notre épargne nette qui était importante a permis d’absorber en grande partie la baisse des recettes. Nous n’avons jamais connu de tel précédent. Même au moment de la crise de l’immobilier et des subprimes en 2009 où le budget départemental avait connu une baisse très importante des recettes, l’épargne nette n’était pas descendue en dessous de 40 millions d’euros…».
Quels sont les investissements marquants de ce budget 2024 ?
Frédéric Martin : « Dans ce contexte contraint, nous allons quand même continuer à investir à hauteur de 175,5 millions d’euros pour l’année 2024. Le budget d’investissement se partage sur 3 domaines d'intervention : environ un tiers consacré à notre patrimoine bâtimentaire, un tiers à l’accompagnement des partenaires et des collectivités avec notamment les contrats de solidarité territoriale et les aides aux communes, et un tiers aux chantiers liés aux mobilités.
Pour ce qui concerne notre patrimoine, les rénovations de collèges vont se poursuivre au Rheu, au Val d’Anast, à Bain-de-Bretagne… Des rénovations de bâtiments de l’administration sont prévues, notamment des centres routiers et des centres départementaux d’action sociale. Nous poursuivons aussi notre investissement sur les centres d’incendie et de secours, avec deux nouveaux centres inaugurés cette année à Retiers et à Saint-Aubin-du-Cormier. À long terme, ces nouveaux bâtiments, moins énergivores, vont permettre de faire baisser le budget de fonctionnement. La brutalité de la baisse des recettes nous fait travailler le très court terme notamment avec le plan de sobriété qui a été un succès en 2023 avec 800 000 euros économisés, mais nous devons penser au long terme. »
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