La rééducation à pas de chenille

Qu’est-ce qu’on ne ferait pas par amour ? Certes. Mais Lise Gigory en a quand même fait des tonnes. Jusqu’à ouvrir un pôle de rééducation pédiatrique à Fougères. La maman a soulevé des montagnes pour sa fille. Elle a frappé aux portes de l’administration. Plongé dans les méandres du mécénat. Elle qui n’était pas médecin mais assistante de gestion dans l’industrie automobile. Qui dit mieux ?

Pleine de vie, Rachel, 7 ans, souffre de paralysie cérébrale, sans explication scientifique avérée. Se déplace en fauteuil roulant, parle peu et s’émeut vite. Elle exige des soins quotidiens pour apprendre l’autonomie. 

Les familles qui ont des enfants en situation de handicap voyagent parfois à l’étranger pour suivre des stages pluridisciplinaires de rééducation. C’est justement en Pologne que Lise a décidé de tout plaquer pour mener le combat d’une vie. 

Après deux années dans sa chrysalide, À pas de chenille a pris son envol en mars 2023. Ouvert à tous les enfants de la naissance à 18 ans, le pôle de rééducation pédiatrique occupe 300 m²de locaux lumineux au dernier étage du centre médical Lariboisière, en plein centre-ville. 

Deux kinés, deux psychomotriciennes, une ergothérapeute et une coach sportive ont rejoint l’équipe. Professionnels libéraux, ils louent leur propre bureau mais partagent le plateau technique, équipé de matériel dernier cri. Avec hamac, trampoline, mur d’escalade… Bien utile la salle sensorielle qui apaise les enfants. Bien pratique aussi le Fablab avec son imprimante 3D pour bricoler des aides techniques. En permettant un suivi régulier sous le même toit, À pas de chenille offre une vision commune du parcours de soins des enfants. Tous les handicaps y trouvent porte ouverte.

Le pôle rééducation organise aussi des stages "intensifs" durant les vacances scolaires. Pendant une semaine, dix jeunes patients enchaînent les séances individuelles avec le renfort d’une orthophoniste, d’une étiologue et d’éducatrices spécialisées. Lise ne vend pas la formule miraculeuse. « Mais l’expérience prouve que le stage est un formidable accélérateur de progrès. » La Haute autorité de santé (HAS) s’en porte garante. Des familles de toute la France font le déplacement. 

Lise aime citer Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ». Elle a pourtant failli abandonner tout près du but, faute de financement. Appliquée, Lise avait mis toutes les chances de son côté en suivant un parcours d’incubation exemplaire via Pôle emploi, BGE qui accompagne les entrepreneurs, Tag 35, le pôle d’économie sociale et solidaire du pays de Fougères… « Sauf que je ne rentrais dans aucune case pour l’administration. »

In extremis, la maman de Rachel finit quand même par trouver 200 000 € grâce au mécénat, aux fondations, au crowdfunding, aux banques et au budget participatif du Département. 

Le centre maintenant sur pied, Lise aimerait épauler les aidants en ouvrant un espace documentaire, en organisant des conférences. En Ille-et-Vilaine, 8 000 enfants sont reconnus en situation de handicap.