• 07 novembre 2023
  • Mis à jour le 10 novembre 2023
  • 5 minutes de lecture
  • Interview
fabrice payen

Le 9 novembre 2022, il y a pile un an, le skipper Fabrice Payen prenait le départ de la Route du Rhum à bord de son bateau "Cap vers l'inclusion". Soutenu par le Département d'Ille-et-Vilaine, ce malouin équipé d'une prothèse de jambe se lançait le défi de traverser l'Atlantique en solitaire. Un défi relevé avec succès, avec une arrivée à Pointe-à-Pitre 18 jours après. Un an après, Fabrice Payen fourmille de projets et espère avoir montré la voie à d'autres passionnés de voile en situation de handicap. 

Un an après votre départ pour la Route du Rhum, quels sont vos projets ? 

F.P : "Actuellement, je me recentre sur l'association "Team Vent Debout", notamment au travers de deux projets. L'un consiste à l'accompagnement du jeune skipper Tom Mallet pour qu'il puisse prendre le départ de la Mini-transat en solitaire en 2025. Il a 27 ans et a été victime d'un accident vasculaire cérébral à 16 ans, ce qui fait qu'il est aujourd'hui hémiplégique. Il est très motivé, il a déjà un bateau, on va l'accompagner dans sa qualification d'ici la fin de l'année. L'association l'a notamment aidé pour installer une source d'énergie sur son bateau. En épaulant ce skipper, j'ai l'impression d'être dans la continuité de l'aventure de la Route du Rhum en passant le relais. 

Le second projet sur lequel je travaille consiste à faire naviguer des personnes en situation de handicap sur un muscadet, afin de repérer de futurs talents et pourquoi pas, susciter des vocations. Il s'agit d'un bateau mesurant environ 6,40 mètres en contreplaqué marin. Il y a un vrai engouement autour de cette classe de bateaux, qui sont particulièrement présents à Saint-Malo. Ce sont des bateaux faciles à manœuvrer, parfaits pour s'initier et prendre confiance. Dès 2024, des groupes vont pouvoir naviguer avec moi sur le muscadet que j'ai acquis pour l'association. L'objectif est aussi de les inciter à se projeter en tant que skipper, j'ai montré qu'il était possible d'être un concurrent comme un autre, même avec un handicap". 

Qu'est-ce que vous a apporté cette aventure de la Route du Rhum ? 

F.P : "C'est d'abord un rêve d'enfant que j'ai pu réaliser, personnellement ça m'a comblé et paradoxalement c'est le handicap qui m'a offert la possibilité de pouvoir participer à cette course mythique. Cela a accentué l'effet "résilience" de cette aventure. Quand vous réussissez à mener un projet de cette ampleur, cela vous porte, c'est un moteur. Si cet exemple peut montrer la voie à d'autres, les aider, leur donner de l'espoir."

Il y a un an, dans quel état d'esprit étiez-vous ? 

F.P : "Il y a un an, il y avait beaucoup de tensions, j'avais beaucoup de mal à me motiver, à me dire qu'il fallait se lancer dans ces conditions difficiles automnales, que j'allais quitter ma famille alors que j'étais jeune papa, cela me coûtait de m'absenter. Et puis une amie m'a coaché et m'a permis d'aller puiser loin dans mes ressources pour trouver la motivation et la détermination de mener ce projet jusqu'au bout. Je me suis dit j'ai un job à finir, je suis redevable par rapport aux partenaires, aux gens qui mettent de l'espoir dans ce projet. Cela m'a donné de l'énergie et de la force. J'ai eu des problèmes d'électronique dès le départ de la course, j'ai du barrer pendant 15 heures, mais à ce moment-là j'avais un mental d'acier."

Quels sont vos souvenirs les plus marquants de cette course ? 

F.P : "Quand j'y repense, l'arrivée a été un énorme soulagement , j'ai eu un sentiment d'accomplissement très fort. Je me suis dit que c'était gonflé quand même cette aventure, se lancer à bord de ce gros bateau avec beaucoup de voiles. Ma crainte était surtout de casser, je voulais à tout prix arriver à Pointe-à-Pitre. 

Des images très fortes me restent en mémoire, l'arrivée à Madère, l'arrivée à Pointe-à-Pitre, très engageante physiquement, car j'étais au coude-à-coude avec Philippe Poupon. Et malgré ma manière très conservatrice de naviguer, j'ai été performant, j'ai réalisé le meilleur temps entre Basse-Terre et l'arrivée, et entre le départ et la bouée de Fréhel. J'espère avoir ouvert la voie aux personnes qui ont le même type de handicap, j'aurais plein de conseils à leur donner." 

 

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