Elsa Tomkowiak : "Le tunnel était un fantasme de longue date"

Retenue par le Département dans le cadre d'un appel à projets, l'artiste Elsa Tomkowiak réalise une fresque colorée sur les 920 m2 du tunnel de Montgerval, situé au niveau de la nouvelle piste cyclable reliant la Chapelle-des-Fougeretz à la Mézière. Une œuvre artistique poétique aux couleurs de l'arc-en-ciel qui va venir illuminer ce passage urbain. Des collégiens et des jeunes vont venir découvrir le travail de la plasticienne. Rencontre avec une artiste haute en couleurs. 

Qu'est-ce qui vous a incité à répondre à l'appel à projets du Département ? 

Elsa Tomkowiak : "C'est Etienne Bernard, le directeur du Frac Bretagne, qui connaît bien mon travail, qui m'a fait passé l'appel à projets. Il connaît mon goût pour les interventions in situ dans des lieux inattendus. J'ai déjà fait des peintures variées sur des piles de pont, une ancienne abbaye, l'opéra de Nantes, une ancienne usine de camions Renault à Lyon... J'aime les lieux en extérieur, les lieux originaux ou cocasses. Le tunnel était un fantasme de longue date. Lorsque j'ai découvert les photos, j'ai adoré le dessin de cette courbe. L'ouvrage en lui-même est déjà une sculpture minimale, c'est très réussi.

Ensuite, lorsque je me suis rendue sur le site, j'ai beaucoup aimé l'atmosphère de ce tunnel, où l'on est déconnecté de l'environnement proche. Avec les perspectives, lorsqu'on est au milieu du tunnel, on ne voit pas ce qu'il y a au bout, c'est comme une surprise. Dans mon travail, je cherche à ce que le spectateur soit en immersion dans la peinture et la couleur.

De plus, je suis une grande amatrice de vélo, je me déplace tout le temps à vélo. Cela me plaît que l'œuvre prenne place dans un espace où les gens sont en mobilité, avec cette notion de vitesse."

Comment avez-vous imaginé cette œuvre ? 

E-T : "Dans ce projet, il y a l'idée d'une vraie mesure géométrique, j'ai commencé à intégrer la notion de grille, comme un outil de mesure, qui permet un jeu de lignes avec l'espace, mais qui permet aussi de mettre en valeur le dénivelé, la courbe du tunnel. Evidemment, je n'allais pas me contenter de simplement mettre une grille ! Ma peinture est joyeuse et très colorée, la couleur est une vraie énergie. Nous avons un rapport immédiat à la couleur, sans filtre et nous sommes aussi très conditionnés par les couleurs, sans même en avoir conscience.

Ce qui m'intéresse, c'est la relation entre la couleur et la lumière, en particulier les couleurs contenues dans le spectre de la lumière, c'est-à-dire les couleurs de l'arc-en-ciel avec plus de nuances. J'ai imaginé un espèce de grand dégradé, un brassage des couleurs avec comme point d'ancrage pour démarrer la couleur rose à l'Est. Les passants vont perdre leurs repères dans cet arc-en-ciel avec ces nuages de couleurs qui s'entrechoquent. L'œuvre n'a pas encore de nom. Pendant longtemps, je ne donnais pas de nom à mes œuvres, je voulais que les gens se sentent complètement libres d'interpréter l'œuvre avec leur propre background. Aujourd'hui, je m'inspire souvent des phénomènes optiques ou météorologiques, des noms de tempêtes."

Quelles sont vos attentes par rapport aux rencontres prévues avec les collégiens les prochaines semaines ? 

E-T : "Avec les jeunes, j'aime bien l'idée d'ouvrir une petite porte. Je trouve cela intéressant de raconter la vie d'artiste, leur dire que c'est possible, qu'il y a pleins de façons d'être artistes. L'objectif est d'éveiller leur curiosité, qu'ils puissent découvrir l'art de façon assez ludique, partager la jubilation, le plaisir de faire de l'art.

Je m'entends en général très bien avec les cancres de la classe ! Je n'attends pas d'eux qu'ils soient soignés, pointilleux, mais qu'ils soient libres de s'exprimer. A l'école, j'ai fait le strict minimum, l'apprentissage assis a été assez douloureux pour moi ! L'art permet aussi de développer un autre rapport au corps lié à la sensibilité et non dans l'esprit de performance comme dans le sport. La sensibilité du corps ne se limite pas non plus aux poignets ou aux mains."