Le vin en poupe en Ille-et-Vilaine

Les historiens font remonter au iiie siècle la culture du vin en Bretagne. Puis la vigne galloromaine se développe pour les besoins du culte chrétien. En Ille-et-Vilaine, des écrits attestent sa présence dans la vallée de la Rance et autour de Redon. Au Moyen-Âge, on y produit du vin coupé avec de l’eau. De nombreuses abbayes en font commerce.
 

La toponymie est éclairante : pas moins de 64 lieux-dits portent encore le nom de La Vigne ou Les Vignes en Ille-et-Vilaine. Pourtant sa culture s’y effondre à partir du xviie siècle. La faute à des hivers très rigoureux, au choix des monarques de privilégier les céréales puis de Colbert de remplacer les vignes par des vergers, au bénéfice du cidre.

Vin interdit

À la fin du xixe siècle, l’oïdium, le mildiou et le phylloxéra dévastent les cultures. Dans les années 30, une loi interdisant la productionde vin dans les régions non viticoles afin de protéger les vignobles historiques de la surproduction donne le coup de grâce. Le vin bretillien ne s’en relèvera pas. En 2016, Bruxelles met fin à la prohibition : une directive européenne libéralise les droits de plantation. Réautorisée, la commercialisation fait depuis pousser les envies de vignobles. Les effets attendus du réchauffement climatique suscitent des
espoirs agronomiques. Cultivées par des amateurs éclairés ou des professionnels, les vignes se multiplient depuis dix ans.

Les associations pionnières

À Rennes, le Haut-Quineleu fut longtemps l’unique vin bretillien médiatisé, un assemblage hétéroclite de cépages de différents jardins des maisons ouvrières du quartier Sud Gare, dégusté à la bonne franquette sitôt embouteillé. Initiée en 1992, l’expérience viticole hasardeuse abreuve d’abord l’amitié entre voisins. Aucune vendange n’a été faite depuis 2016. À Saint-Suliac, planté en 2013, le Clos de Garo tient bon la marée. Le raisin mûrit plein sud sur les coteaux de la Rance dans une terre rocheuse parfumée à l’iode, à l’abri des vents et du gel. L’association d’une quarantaine de vignerons passionnés bichonne 1 200 ceps de Chenin (blanc) et Rondo (rouge). Chacun soigne son rang à la main, sans pesticides ni herbicides. Le fruit de la vendange – 700 litres l’automne dernier – est redistribué entre les vignerons. « Nous trions plus qu’avant car nous visons moins le rendement que la qualité gustative. Et celle-ci progresse », se félicite son président Nicolas Vermersch.

Au Mont-Dol, l’aventure a commencé en 2019 avec la plantation d’un millier de plants de Chardonnay (blanc). Là encore, l’initiative revient à une association. L’université de Rennes 2 y a installé une station météo pour étudier les effets de la pluie, du vent et des températures. Le Côte du Moulin n’a encore jamais été pressé.
 

« Nous n’avons pas assez de volume, explique Étienne Vidon. L’an dernier, nous avons expérimenté le zéro traitement, même naturel. Résultat, un champignon a détruit toute la récolte. Nous serons plus vigilants au printemps prochain. »

L’heure des pros
 

À Renac, le château du Brossay a sauvé 4 500 m² de vignes anciennes sur une parcelle à l’abandon près du cimetière. Cette année, ses 70 rangs ont empli 400 bouteilles d’un « blanc très correct » et « archi bio" selon sa propriétaire. « L’objectif premier était de sauvegarder un patrimoine naturel miraculeusement épargné par l’arrachage, explique Corentine du Halgouët Taittinger. Nous buvons notre vin. Nous l’offrons aussi. Mais je suis désormais exploitante agricole. Je vais m’enregistrer auprès des douanes pour le commercialiser. » 

Pour Pauline et Édouard Cazals, c’est déjà fait. À Saint-Jouan des-Guérets, le domaine des Longues Vignes exploite quatre hectares en bord de Rance, plantés en Chardonnay, Pinot Noir et Grolleau notamment. Chez le caviste pour la première fois, leurs vins rouges et blancs à tendance effervescente font pétiller l’unique vignoble professionnel d’Ille-et-Vilaine à ce jour, en conversion vers l’agriculture biologique. D’autres suivront. 

À Pleine-Fougères, Arsène Boy et Anne Lorent, ingénieurs agronomes spécialisés en viticulture, viennent de planter 5 000 pieds de vigne pour la production de blanc sec et rosé. La première cuvée est attendue en 2027. L’association des vignerons  bretons (AVB) recense à ce jour 32 domaines professionnels en Bretagne, majoritairement dans le Morbihan. Une cinquantaine d’autres sont en projet.