La lutte contre la prostitution fait son Nid en Ille-et-Vilaine

« Le but c’est de juste déjà prendre le temps d’écouter la personne, de l’amener à se questionner sur sa pratique prostitutionnelle, sans jugement et sans attendre un engagement de sa part », explique Lola Thieulle, coordinatrice de l’antenne rennaise du Nid. Rompre l’isolement des personnes prostituées est un premier pas. « Notre objectif premier va être de capter ces personnes et de créer du lien », poursuit-elle. Comment ? En les contactant par message privé via les sites web publiant des annonces pour des relations sexuelles tarifées. C’est que les salariés du NID appellent les maraudes numériques. Chaque semaine, ils contactent près de 150 personnes basées en Ille-et-Vilaine via ces sites. En 2023, 2479 annonces ont été mises en ligne à l’échelle de l’Ille-et-Vilaine et le NID estime à 600 le nombre de personnes se prostituant à Rennes.

« On est là si vous avez besoin de nous »

« On avance à visage découvert, on leur dit simplement si vous avez besoin de nous à un moment on est là », précise Enora Bridel, salariée au Nid. « Il arrive que les personnes nous contactent 1 an après notre message, parce qu’elles ont besoin d’un dépistage, de voir un médecin, de préservatifs… ». Travailleurs sociaux (assistante sociale, éducatrice…), les membres de l’équipe du Nid se déplacent dans toute l’Ille-et-Vilaine pour aller à la rencontre des personnes qui les sollicitent. « On se déplace à Saint-Malo, Fougères, partout sur le territoire, on peut les voir dans un café en extérieur, mais aussi ici dans le local rennais ici, on s’adapte », précise Enora. Pour répondre au mieux à la demande, le Nid travaille en réseau avec des soignants (médecins, infirmières, psychologues…) , avec les centres départementaux d’action sociale, avec la maison des femmes Gisèle Halimi, l’hôpital… « Nous informons également les personnes sur leurs droits, souvent méconnus à cause des proxénètes et des clients qui font de la désinformation ». 

Une forme de violence sexuelle 

« En Bretagne, la prostitution de rue est quasiment inexistante, et par ailleurs, on constate depuis quelques années une numérisation des pratiques prostitutionnelles, les prises de contacts entre prostituées et clients se font principalement via le web, sur des sites à 90% basés en Europe de l’Est. On assiste à une uberisation de l’achat sexuel, c’est un constat national », explique Romain Guigny, responsable de l’Amicale du Nid Bretagne. Le Département d’Ille-et-Vilaine finance un poste de l’association dédié à lutter contre la prostitution des mineurs. « La prostitution ne concerne pas que les plus jeunes, elle est plurielle et revêt différentes formes, mais dans tous les cas ce n’est pas une conduite sexuelle, mais une violence sexuelle qu’il ne faut pas banaliser ». 

À 86%, les personnes prostituées sont des femmes, en majorité âgées de moins de 35 ans. « Mais toutes les catégories sociales sont représentées, et toutes ne sont pas des femmes d’origine étrangère, il est important de déconstruire certains stéréotypes, c’est plus complexe qu’il n’y parait », analyse Lola. « Nous observons que les personnes se prostituant ont souvent déjà vécu des violences, notamment sexuelles dans leur passé, et souvent subissent encore des violences physiques, psychologiques ou autre de la part de leur entourage », explique-t-elle. « Elles peuvent verbaliser l’envie de se sortir de ce système prostitutionnel, mais être confrontées à de nombreuses problématiques, assez similaires à celles rencontrées par les victimes de violences conjugales ». 

Action collective, permanences téléphoniques, sensibilisation des professionnels du social… L’équipe du Nid est sur tous les fronts. « Nous ne proposons pas d’hébergement ou d’aide financière, nous orientons, nous écoutons les personnes en toute confidentialité et avec bienveillance », ajoute Mathieu Le Badezet.